Il ne s'agit pas d'une case de comics
Pour cette première partie de ce dossier sur les minorités j'ai décider de commencer par la question de l'homosexualité dans les comics. Pourquoi commencer par là ? Parce qu'il faut bien commencer par quelque part tout d'abord, et qu'il s'agit d'un sujet encore tabou aujourd'hui. Les comics sont une construction qui, par sa nature et son thème, est en décalage avec notre société. Néanmoins, depuis leur origine, les comics se sont orientés vers le réalisme : fini les comics pour les enfants, le public a grandi et il n'a pas les mêmes attentes. Les comics ont évolué avec notre société. On y voit l'homosexualité passer de déviance à élément de la société plus ou moins intégré par la masse. Petit historique de cette évolution :
- Les comics et le Comic Code Authority
Avant la mise en place du Comic Code Authority, la présence de l'homosexualité dans les comics n'était qu'allusions et ambiguïtés. Comme par exemple ces deux cases de comics où le personnage de Hellcat "sort du placard" littéralement. L'expression "sortir du placard" signifiant "révéler son homosexualité".
Comme quoi faut faire attention à ce qu'on dessine à l'époque
On se passait les "comic strip" érotiques sous le manteau et on mettait un point d'honneur à ce que personne ne dénonce l'allusion même si elle était voulue. Les autorités vont alors se rendre compte que les comics ont une grande influence sur nos jeunes têtes blondes (pas les nazis, les enfants !). Et c'est vrai qu'influence il y a, la preuve étant que les comics serviront de propagande anti-communiste à partir des années 50-60 et ce jusqu'à la fin des années 70. Comme quoi l'influence peut-être dénoncée par ceux qui l'utiliseront quelques années plus tard à leur profit. Le mouvement de réglementation s'engage avec une scène du comics de Batman, en 1954 :
Batman et Robin qui partagent le même lit : ça passe mal !
On découvre alors que Bruce et Dick partagent le même lit. Ce qui peut nous paraître aujourd'hui comme une facilité prise pour la narration passe très mal à l'époque. Un psychiatre très réputé à l'époque, Frédéric Wertham, va alors dénoncer l'influence des comics sur les jeunes comme l'une des causes de la délinquance juvénile à l'époque...C'est vrai que le genre super-héroïque incite à la violence, moi qui croyait que c'était l'inverse...que je suis con ! Il va aussi faire de Wonder-Woman une lesbienne. Notez qu'à l'époque, le sexe n'était pas du tout présent dans les comics : il y avait des petits bisous, des rendez-vous et plein de choses pseudo-romantiques. Bien sûr la société de l'époque n'en parlait pas de manière ouverte comme nous le faisons aujourd'hui. Alors forcément, quand il y avait une brèche d'ambiguïté, on s'y engouffrait et on disait n'importe quoi. Le livre de Witham, Seduction of the Innocents, va influencer les politiques qui vont mettre en place le Comics Code Authority, véritable censure. En fait ce code apparait comme un label : trônant sur les couvertures de comics et assurant le respect des bonnes moeurs (pas seulement contre l'homosexualité). Sachant que la traduction française était à nouveau censuré derrière, vous pouvez comprendre pourquoi les comics d'antant nous paraissent fades. Dès lors deux solutions pour les éditeurs : soit s'incliner (comme Marvel Comics) ou produire des comics "underground", ou alternatifs, sans chercher l'aval du CC.
En fait c'est l'inverse du "pour lecteurs avertis" que nous avons aujourd'hui !
- Le basculement des 60's
Pendant les années 60 tout bascule : les divers mouvements de revendications influencent le neuvième art. Les comics underground se créent alors. Ils prônent la liberté sexuelle, la légalisation de la drogue, la contre culture en général et la fin de la censure. Des comics gays sont alors créés avec un soutient du mouvement féministe. Je ne vais pas détailler les titres et contenus de ces comics car je m'intéresse davantage aux comics "mainstream" mais je mettrai des lien à la fin de l'article si cela vous intéresse. Il faut aussi noter l'apparition du SIDA dans les années 80 qui a provoqué un renouveau de l'homophobie. Les comics gays joueront alors un rôle important dans la dénonciation de propos tenus par les politiques. Les auteurs de comics en général vons d'ailleurs s'unir contre ces diffamations comme le collectif (Alan Moore, Frank Miller, etc.) qui publiera AARGH (Artists Against Rampant Government Homophobia) en 1988.
Une oeuvre majeure dans la lutte contre l'homophobie
Les autres éditeurs, ceux qui avaient choisi de suivre le CC, tentent alors de suivre le mouvement. Seul problème : ils apparaissent comme les méchants. Bruce Banner manque de se faire violer par des hommes (dont un black stéréotypé) dans des douches d'un club YMCA. Chez DC, un super-méchant gay, nommé Extraño, rassemble tous les stéréotypes de l'homosexuel.
Extraño, stréréotype de l'homosexuel, et Bruce Banner victime du stéréotype de l'homosexuel violeur
Des comics nés à l'époque, qui deviendront des classiques que nous connaissons tous, mettent une pierre à l'édifice. Je veux bien sûr parler de l'implication d'Alan Moore dans la lutte contre l'homophobie. Dans Watchmen, les super-héros gays sont nombreux. Dans V pour Vendetta, il récidive avec le personnage de Valérie qui fut enlevée et séquestrée par le régime totalitaire car elle était lesbienne. L'anti-conformisme d'Alan Moore permit de faire avancer les mentalités d'une certaine manière et cela servit aussi à faire de lui une légende du Comics comme en témoignent les adaptations cinématographiques des ses oeuvres et la re-publication de ses oeuvres oubliées (disponibles en France).
Deux oeuvres majeures du Comics : V for Vendetta & Watchmen (Alan Moore)
Chez DC, Maggie Sawyer apparait à Gotham : flic de choc, elle devient la première mère homosexuelle des comics mainstream. John Byrne sera d'ailleurs récompensé aux GLAAD Awards en 1996 pour sa participation à la visibilité gay.
- Les années 90 : les comics "sortent du placard"
Au début des années 90, un tournant majeur est réalisé : le CCA est ramanié. Dorénavant, il est autorisé d'aborder les minorités sociales de manière positive (donc contre la discrimination) à moins que ce soit à des fins dramaturgiques.
Les expéditions punitives apparaissent alors dans les comics : John Constantine (bisexuel) en est victime comme un ami de Green Lantern/Kyle Rayner qui tombera dans la coma.
John Constantine en couple avec un démon et Green Lantern 154 où le "gay bashing" provoquera la départ de Kyle Rayner qui cédera sa place à John Stewart
Les années 80-90, marquent un véritable tournant dans les mentalités. La sexualité est sortie du tabou et l'homosexualité peut alors apparaître au grand jour sans les stéréotypes qui le caractérisait par le passé. En 1992, événement pour la communauté gay ET les comics, le premier super-héros du Marvel Universe apparait : Northstar, membre d'Alpha Flight, l'équipe canadienne, fait son coming out. Cela fait l'effet d'une bombe !
La fin des années 90 marquent quant à elles l'apparition d'un couple de super-héros gays appréciés du public : Appollo et Midnighter, équivalents de Superman et de Batman dans The Autority. Il adopteront même une petite fille grâce à Mark Millar en 2002.
- Les années 2000 : les homosexuels à profusion
Les années 2000 continuent le mouvement. A la limite on a quasiment l'impression que les éditeurs essayent de rattrapper un retard. Les personnages et couples homosexuels deviennent nombreux. C'est maintenant que je sors de l'histoire des comics et que je livre mon interprétation personnelle qui ne concerne que moi. J'ai commencé à lire des comics dans ces années. Par conséquent, l'homosexualité dans les comics ne m'est apparue que dans ces années-là. Je me suis fait plusieures réflexions sur la chose :
- Les mutants sont particulièrement touchés par le "phénomène" de l'homosexualité dans les comics. Le premier super-héros ouvertement gay est d'ailleurs Northstar, un mutant.
Northstar et son petit copain
Le personnage de Jamie Madrox/l'Homme Multiple fait aussi son coming out. Comme son nom l'indique, l'Homme Multiple a le pouvoir de se "multiplier", de se "dédoubler" et vous pouvez imaginer le genre de situation drolistique cela amène...
Jamie à lui-même : " Je me demandais... si toi et moi... deux Jamie Madrox faisaient... tu sais... ensemble,est ce que ce serait considéré comme... tu sais..."
Rictor est sûrement l'icône gay du moment dans les comics. Il assume entièrement son homosexualité, il est d'ailleurs en couple avec Shatterstar, un autre mutant.
Dans X-factor 45 d'aout 2009, Shatterstar et Rictor ont échangé un baiser qui a officialisé leur liaision apres 20 ans de soupçons. Les deux personnages sont sûrement bisexuels.
Oserai-je mentionner le personnage du Fauve ? Oui j'ose. On ne sait pas exactement ce qu'il en est mais les relations qu'il noue avec Wonder Man furent assez "suspectes". Un baiser a même lieu chez les Vengeurs. La Sorcière Rouge paraît d'ailleurs choquée lors de la scène.
Néanmoins, personne n'a officialisé l'homosexualité du Fauve. Lorsqu'il avoue enfin qu'il pense être gay et qu'il le révèle à la presse, Emma Frost se charge de faire passer cela pour une blague après avoir lu dans ses pensées q'il n'a "jamais eu de relation physique avec un autre homme".
D'autres personnages mutants et homosexuels ont fait leur apparition. Je vous laisserai libre interpête dans le débât sur l'acolement des termes mutants et homosexuels. A l'heure qu'il est je n'ai trouvé qu'une justification valable : mettre la popularité des mutants au service de la visibilité homosexuelle.
Dans l'ordre : Anole, Bling, Daken, Bloke et son copain, Colossus (Ultimate)... et bien d'autres
- Marvel n'a pas peur de rendre ses personnages populaires gays ou lesbiens...
Et oui, chez Marvel, on a pas peur de rendre certains personnages homosexuels et c'est tant mieux. Par exemple, Daken, le fils de Wolverine (voir ci-dessus) est bisexuel. Hulkling et Wiccan, enfants de grands Vengeurs, sont en couple dans les Young Avengers.
J'ai mentionné les mutants juste au dessus, leur popularité ne fait aucun doute. Dans l'équiper de Avengers Academy [attention spoil], Strikers a récemment avouer son homosexualité à une de ses collègues elle-même lesbienne.
ATTENTION SPOIL : Récemment, dans ThePunisherMAX qui remanie les origines des super méchants du Punisher, nous avons appris que Elektra Natchios entretennait une relation avec Vanessa Fisk, la femme de Wilson Fisk, le Caïd en personne.
Un méchant charismatique fait lui-même un coming out a nuancé. Le personnage d'Electro, sortis de prison, va voir une prostituée méthamorphe qui lui demande ce qu'il veut c'est alors qu'il lui révèle qu'il a goûté à de nouveles choses en prison :
Un personnages homosexuel me vient à l'esprit, non pas qu'il fut très populaire mais bien au contraire parce qu'il mourrut rapidement de la main d'un Tony Stark / Fatalis alternatif : The Ring. Je ne saurai dire pourquoi il fut supprimé si vite, surement à cause du manque de charisme du personnage.
Enfin, Marvel joue de la multitudes des univers pour rendre les personnages homosexuels dans des univers parallèles. J'ai mentionné Colossus version ultimate mais il y a aussi le Fauve qui est en couple avec Wonder Man dans un autre univers, Felicia Hardy / la Chatte Noire qui est lesbiennne dans l'univers MC2 (celui de Spider-Girl), etc. Bonne initiative qui permet de ne pas perturber l'univers de base tout en faisant allusion à l'homosexualité chez les plus populaires. Les personnages homosexuels chez Marvel sont nombreux, je ne peux donc pas être exhaustif.
- ... alors que chez DC, on a du mal
Et oui, comme d'habitude je vais un peu taper sur la tête de la distinguée concurrence. Alors que les personnages homosexuels sont nombreux chez Marvel, chez DC on a encore du mal. D'abord, la plupart des personnages homosexuels sont des femmes. Je ne sais pas pourquoi mais la chose est là. Peut être que l'idée d'un super-héros homosexuel paraît contradictoire avec la vision virile qu'on peut se faire d'un super-héros alors que les lesbiennes demeurent un fantasme hétérosexuel pour beaucoup d'homme, collant à l'image sexy des héroïnes DC comics. Pour preuve, Rennée Montoya, créée à l'origine dans le dessin animé puis introduite dans Gotham Central, est outée par un ennemi des plus cruels. Elle est aujourd'hui en couple avec l'actuelle Batwoman, elle aussi lesbienne.
Alors c'est peut-être parceque je ne suis pas doué mais je n'ai pas trouvé beaucoup de héros homosexuels chez DC. Obsidian tout d'abord, fils du premier Green Lantern Allan Scott. Lors d'une soirée à la JSA, il fait croire à son père qu'il est "guérit", blague à laquelle il met fin rapidement.
DC semble donc assez coincé sur le thème de l'homosexualité. Passant d'un extrême à l'autre, un nouveau personnage a fait récemment son appartion : Bunker, membre des Titans, dont la personnalité semble entièrement figée sur son homosexualité...Bravo pour l'évolution, pas de demi-mesure donc.
Conclusion : Voilà, ce fut long mais on y est arrivé. L'évolution des mentalités dans les comics a suivit celle de notre société. L'homosexualité est encore un sujet sensible mais elle a le mérite d'être représentée dans les comics. Bien sûr je ne saurait être exhaustif et je n'ai parlé que les comics Marvel et DC. Sachez qu'il s'agit d'un mouvement dans l'ensemble des comics. J'espère que cela vous a plus et ceux qui se mettront à discuter mes penchants sexuels pourront s'amuser et se faire des idées fausses je m'en fout lol. Faut-il être juif pour parler des juifs ? Faut-il être homosexuel pour parler des homosexuels ?
Remerciements :
- ComicsBlog pou son dossier sur le sujet qui m'a beaucoup aidé : http://www.comicsblog.fr/8529-Lhomosexualite_dans_les_comics
- Gaycomics pour son blog sur le sujet : http://gaycomics.over-blog.com/
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